LE BŒUF ET LE PIRANHA
Un piranha pansu rêvassait au courant
Quand un bœuf, lourd et lent, vint y tremper la patte.
La question se posa de façon délicate
De savoir s’il dut mordre ou put prendre son temps.
La proie semblait facile mais bien trop près du bord ;
Le premier coup de dent entamerait le cuir
Mais le bovin, surpris, se hâterait de fuir
Le laissant, affamé, malgré tous ses efforts.
Il lui fallait guetter le moment plus propice
Où l’herbivore aurait au moins mi-corps dans l’eau.
Le cornu, lentement, s’emplissait le tonneau,
Les minutes passaient, augmentant le supplice,
Le poisson, languissant, ne le quittait des yeux.
Le bonheur éclata aux tréfonds des écailles
Quand l’énorme animal, sous un ciel de broussailles,
S’enfonça à demi dans l’humide milieu.
D’un coup de queue rageur et le sourire aux dents,
Le vorace, aveuglé par son désir fiévreux,
Rêvant filet de bœuf, trouva filet de nœuds…
Le pêcheur qui, dans l’ombre, attendait cet instant,
Tira sur la berge le piège malicieux,
Donna double fourrage au buveur, son appât,
Et, s’éloignant heureux vers le lieu du repas,
Emporta sur son dos le poisson délicieux.
Un piranha pansu marinait au bouillon…
Alain VARLET